La catastrophe dans La Nouvelle-Orléans, Les États-Unis

   

Les eaux se retirent, les corps apparaissent. Et pourtant; dans la cité perdue; il y a encore quelques irreductibles qui esperent se reconstruire une vie.

( Dans les bas-quartiers, où l'eau a déferlé avec le plus de violence, il faudra encore plusieurs semaines pour repêcher les corps qui, comme celui de cet inconnu, dérivent parmi les détritus. )

Deux semaines après la catastrophe, des noyés flottent toujours dans les rues inondées de la ville fantôme. Une image cauchemardesque des États-Unis, très éloignée du rêve américain que George W. Bush a, décidément, de plus en plus de mal à incarner. Alors que l'eau n'a pas encore rendu toutes ses proies, le bilan officiel se veut rassurant : seulement 424 morts pour l'ensemble des 4 États touches par l'ouragan Katrina, dont 197 en Louisiane. Des chiffres largement sous-estimés selon les sauveteurs qui, exclusivement mobilisés par l'évacuation des rescapés, n'ont même pas le temps de signaler tous les nouveaux noyés qu'ils découvrent chaque jour dans les rues et les maisons.

Au Q.g. de certaines O.n.g., on murmure qu'en réalité leur nombre définitif pourrait approcher 15000. Le ramassage des corps vient à peine de commencer. Le gouvernement a confié ce sinistre travail au Dmort ( Disaster Mortuary Operational Response Team ), une structure spécialement créée pour la circonstance.

Ce que les eaux n'ont pas englouti, les feux achevent de le détruire.

( Court-circuits, explosions de gaz, maladresses ou actes volontaires, la ville devient un immense brasier. )

Dans une diabolique conspiration des éléments, l'eau et le feu se liguent contre les hommes. A peine le cyclone s'est-il apaisé que les flames s'attaquent aux ruines. L'embrasement est souvent accidentel. Dans les maisons épargnées par l'inondation, il suffit que des squatters veuillent allumer un réchaud pour qu'explosent des conduites de gaz éventrées. Ailleurs, ce sont des usines pétrochimiques qui, à la suite d'un court-circuit, sont réduites en cendres en quelques heures. De façon plus insupportable encore, ce que le hasard a épargné est sacrifié à la folie des hommes. Les pillards sont aussi, parfois, des incendiaires. Construites en bois pour la plupart, les vielles habitations, même gorgées d'humidité, flambent à la moindre étincelle.

Les flots se sont retirés, laissent la boue sceller le tombeau du quartier blanc de la paroisse Saint Bernard, proche de la mer et du lac Pontchartrain. A l'est de La Nouvelle-Orléans, les demeures bourgeoises, érigées sur des marais asséchés, semblent presque intactes. Pourtant, ce secteur va devoir être entièrement rasé. L'eau, stagnant plusieurs jours au niveau des toits, a miné et pourri les maisons jusqu'aux fondations. A quelques centaines de kilometres de là, dans le delta du Mississippi, le fleuve, assailli par l'ouragan, a dispersé ses alligators jusqu'au coeur des villes. Mais, contrairement à ce qu'affirmait la rumeur, aucun requin ni crocodile ne s'en est pris aux survivants après la submission de l'aquarium de La Nouvelle-Orléans. Seuls des pitbulls décharnés, tenaillés par la faim, ont été vus dévorant des corps de victimes.

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