Eaux marines, eaux fragiles

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Récif corallien de l'île de Moorea, dans l'archipel de la Société, en Polynésie Française. Avec la deuxième zone maritime d'exploitation exclusive, la France a la charge de 55 000 kilomètres carrés de récifs coralliens, soit 10% de la totalité de ceux de la planète.

 

Réchauffement de la planète, surpêche, pollutions diverses... Les océans souffrent de l'impact des activités humaines. Quels moyens la France met-elle en place pour assurer une gestion durable des eaux marines ?

Les océans recouvrent les deux tiers de la surface terrestre. Leurs eaux abritent une faune et une flore d'une incroyable diversité : du plancton microscopique à la plus imposants des baleines. Pendant des siècles, l'humanité a considéré que les océans constituaient une richesse inépuisable, à même de nous nourrir tous et d'absorber sans fin nos déchets. Cependant, les progrès rapides de la technologie font que l'exploitation à outrance des ressources marines dépasse désormais la capacité de la nature à les renouveler.

Des ressources surexploitées


Les menaces qui pèsent sur les mers sont multiples. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) met en garde contre l'appauvrissement des stocks de poissons. Leur consommation mondiale a plus que triplé au cours des quarante dernières années. Après avoir favorisé la disparition des poissons de grande taille, la pêche industrielle s'attaque désormais aux plus petits ou à ceux qui vivent en eau profonde.

Une fois les zones de pêche du Nord appauvries, la flotte mondiale s'est déplacée vers l'Afrique et le Pacifique. " Si nous continuons de pêcher ainsi, nos enfants mangeront du ragoût de méduse ", prédit Daniel Pauly, expert international en matière de surpêche a l'université de Colombic-Britannique ( Canada ).

L'aquaculture devrait être à la pêche ce que l'agriculture fut à la cueillette. Malheureusement, cette activité est souvent polluante, notamment par les rejets des déjections des animaux eux-mêmes. Elle entraîne un véritable pillage des ressources. Ainsi, il faut quatre kilos de poissons sauvages pour obtenir un kilo de saumon d'élevage...

Les océans sont aussi confrontés à la pollution. On pense, bien sûr, aux marées noires et autres dégazages en mer. Néanmoins, 80 pourcent de la pollution marine vient de la terre. Il s'agit principalement des effluents d'égouts, mais aussi des rejets de l'industrie et de l'agriculture intensive...

Enfin, le réchauffement de la planète fait fondre les glaciers et les calottes glaciaires, à l'origine d'une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres. Si le phénomène se poursuit, des villes côtières et des terres peu émergées seront rayées de la carte. La hausse des températures des océans risque d'être fatale aux recifs coralliens, les habitats les plus riches de l’ocean. Un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnnement ( PNUE ) rappelle à ce propos que les coraux et les mangroves protègent les côtes de l'érosion, de la violence des vagues et limitent l'impact des catastrophes naturelles.

Exceptionnelle biodiversité

Dans ce contexte, la France occupe une situation particulière. Sa zone maritime d'explotation exclusive (ZEE), la deuxième du monde, couvre plus de 10 millions de kilomètres carrés, pour l'essentiel situés outre-mer, dans trois océans ( Atlantique, Indien et Pacifique ) et sous tous les climats – ce qui l'amène à être signataire de multiples conventions régionale en matière de protection de l'environnement. Elle comporte 55000 kilomètres carrés de récifs corallien, soit 10 pourcent environ de la totalité de ceux de la planète. Elle intègre la deuxième plus grande barrière récifale du monde en Nouvelle-Calédonie, l'une des très rares doubles barrières à Mayotte et, en Polynésie française, 20 pourcent des atolls de la planète, sans compter les nombreuses mangroves qui protègent son littoral.

Sa richesse biologique est peut-être plus exceptionnelle encore. L'Union mondiale pour la nature (UMN), s'appuyant sur de récentes études, estime que 99 pourcent des espèces vivant en haute mer n'ont pas encore ete découvertes. L'essentiel de la biodiversité de la planète se trouverait dans la mer. Jusqu'à 100 millions d'espèces pourraient y vivre. Revers de la médaille, les scientifiques considèrent aussi que, pour maintenir une telle richesse, il conviendrait de préserver rapidement10 à 15 pourcent des océans. Avec 120000 hectares d'aires marines protégees, soit seulement 0,0001 pourcent de sa superficie océane, la France a ainsi encore beaucoup à faire...

Mais le pays prend peu à peu conscience de ce fantastique patrimoine. Le gouvernement a mis en place un dispositif dédié à la sauvegarde du littoral et du milieu marin. Il a développé une stratégie nationale de développement durable et engagé un plan d'action spectifque " mer " dans ce cadre. Objectif avoué : assurer l'essor économique et social tout en stoppant la perte de la biodiversité de nos territoires à l'horizon 2010.

Pour y parvenir, il convient tout d'abord d'améliorer notre connaissance du milieu marin, encore trop succincte, et de se donner les moyens de surveiller son évolution ( notamment par satellite ). Il s'agit ensuite de mettre en oeuvre le programme ambitieux de la directive-cadre européenne sur l'eau qui impose un bon état chimique et écologique de l'ensemble des milieux aquatiques, y compris côtiers et estuariens, d'ici à 2015.

Depuis le drame de l'Erika, la France a ainsi fait de la securité maritime l'une de ses priorités. Elle applique désormais des sanctions dissuasives à l'encontre des " voyous des mers " , à l'origine des pollutions marines d'hydrocarbures. On peut également citer l'Initiative française sur les récifs coralliens (Ifrecor). Depuis 1999, celle-ci a permis de mettre en place une cartographie et une surveillance de l'état des récifs du pays, et de rédiger un très utile Guide pratique de restauration des récifs coralliens dégradés.

Enfin, un projet de loi mettra prochainement en place une Agence des aires marines protégées et des parcs naturels marins, une nouveauté qui devrait concourir à leur développement.

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